mardi 2 janvier 2018

Un joli résultat de génétique Mendelienne, grâce à (a+b)^2=a^2+2ab+b^2

Ayant entendu parler de la loi de Hardy montrant que la part des allèles dominants ou récessifs d’un gène reste stable dans le temps, et donc les phénotypes associés,  sachant que Hardy était un mathématicien renommé, je me suis intéressé aux maths utilisées pour obtenir ce résultat. La surprise est venue en constatant qu’il n’y avait pas de modélisation par des processus aléatoires complexes, mais que le résultat repose sur l’identité remarquable connue des collégiens : (a+b)^2=a^2+2ab+b^2.  
Bien que le problème s'avère facile au final, il y avait avant la publication de Hardy une controverse entre experts en statistique et génétique, et c'est par hasard et pour rendre service à son partenaire du jeu de croquet qu’Hardy se pencha sur le sujet.   
Un gène possédant deux allèles, chacun provenant d’un parent,  ayant 2 formes possibles notées A,a
Par exemple, A désignerait la couleur marron pour les yeux, a la couleur bleue.
Les fréquences des allèles dans la population sont notées (on distingue Aa de aA pour suivre le mécanisme de meïose à l’issue de laquelle chaque parent a fourni un seul allèle) :

AA - p, Aa - q, aA - q, aa -  r

À partir de 2 individus, sous l’hypothèse dite panmictique on compte les fréquences des croisements dans une table de multiplication comme l’écrivait Hardy.
Parent1 / Parent2
AA p
Aa q
aA q
aa r
AA p
AA
Aa
AA
Aa
Aa q
AA
Aa
AA
Aa
aA q
aA
aa
aA
aa
aa  r
aA
Aa
aA
aa

Pour alléger la notation,  x2 désigne une quantité x élevée au carré, soit x^2, à ne pas confondre avec 2x indiquant la quantité doublée. F est la fréquence pour les génotypes des descendants de la première génération.

F(AA) = P = p2+pq+qp+q2 = p2+2pq+q2=(p+q)2
F(Aa) = Q= pq+q2+pr+qr = (p+q)(q+r)
F(aA) = Q= qp+q2+rp+rq
F(aa) = R= q2+rq+qr+r2 =  (q+r)2=q2+2qr+r2

Hypothèse : si q2=pr  (on verra ce qu’il en est par la suite)
En remplaçant q2 par pr dans les expressions de P et R on a :
P=p2+2pq+pr
R=pr+2rq+r2
et donc P/R = p(p+2q+r)/r(p+2q+r) = p/r. Pour montrer le résultat, sachant que p+2q+r=P+2Q+R=1, il faut une relation supplémentaire, (Q/R)2=(q/r)2=(p/r). En effet, l’hypothèse est q2=pr qu’on divise par r2 d’une part, et on a constaté que Q2=PR par lecture directe des expressions de P, Q, R, qu’on divise par R2 pour obtenir (Q/R)2=(P/R)=p/r soit (q/r)2, d’autre part.

En résumé sous l’hypothèse q2=pr on a P/R=p/r et Q/R=q/r et sachant que la somme P+2Q+R=p+2q+r est égale à 1, la seule solution possible est P=p, Q=q, R=r.

La nature est ingénieuse, car s’il n’y a aucune raison pour que q2=pr, les calculs deviennent néanmoins valables à partir de la génération suivante, car on a constate que toujours Q2=PR, par construction. Le mathématicien anglais Hardy le formulait ainsi.
«The interesting question is — in what circumstances will this distribution be the same as that in the generation before? It is easy to see that the condition for this is q^2 = pr. And since q_1^2 = p_1r_1, whatever the values of p, q, and r may be, the distribution will in any case continue unchanged after the second generation ».
Les proportions d’allèles se stabilisent immédiatement, par un mécanisme d’identité remarquable.  
Hardy, spécialiste en théorie des nombres, et mentor du génial mathématicien Indien Ramanujan, n’était pas particulièrement impressionné par sa découverte, dont il juge les mathématiques très simples. Mais pour nous qui avons des souvenirs scolaires, voilà peut-être enfin une justification pour l’adjectif « remarquable ».
La conséquence de la « loi », qu’il vaudrait sans doute mieux qualifier de théorème, est que dans une population fermée, nombreuse et non soumise à la sélection naturelle, il n’y aurait pas comme on le croirait spontanément un phénotype unique vers lequel toute la population convergerait au fil du temps. Les yeux bleus ne disparaissent pas, malgré leur caractère récessif bien connu, réjouissons-nous, mais par ailleurs il existe des maladies qui persistent par le même mécanisme de rencontre entre 2 allèles récessifs. La nature semble préférer une sorte de statu quo, qui s’oppose au changement, mais sans stabilité que serait la vie ?   
PS : Je découvre que l’ «évolution allèlique » est enseignée à présent dès la classe de première, mais j’ignore si la preuve très accessible du résultat est aussi présentée.   




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire