Un joli résultat de génétique Mendelienne, grâce à (a+b)^2=a^2+2ab +b^2
Ayant entendu parler de
la loi de Hardy montrant que la part des allèles dominants ou récessifs d’un
gène reste stable dans le temps, et donc les phénotypes associés, sachant que Hardy était un mathématicien
renommé, je me suis intéressé aux maths utilisées pour obtenir ce résultat. La
surprise est venue en constatant qu’il n’y avait pas de modélisation par des
processus aléatoires complexes, mais que le résultat repose sur l’identité
remarquable connue des collégiens : (a+b)^2=a^2+2ab+b^2.
Bien que le problème s'avère facile au final, il y avait avant la publication de Hardy une controverse entre experts en statistique et génétique, et c'est par hasard et pour rendre service à son partenaire du jeu de croquet qu’Hardy se pencha sur
le sujet.
Un gène possédant deux allèles,
chacun provenant d’un parent, ayant 2
formes possibles notées A,a
Par exemple, A désignerait
la couleur marron pour les yeux, a la couleur bleue.
Les fréquences des allèles
dans la population sont notées (on distingue Aa de aA pour suivre le mécanisme
de meïose à l’issue de laquelle chaque parent a fourni un seul allèle) :
AA - p, Aa - q, aA - q, aa - r
À partir de 2 individus,
sous l’hypothèse dite panmictique on compte les fréquences des croisements dans une table de multiplication comme l’écrivait Hardy.
Parent1 / Parent2
|
AA p
|
Aa q
|
aA q
|
aa r
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AA p
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AA
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Aa
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AA
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Aa
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Aa q
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AA
|
Aa
|
AA
|
Aa
|
aA q
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aA
|
aa
|
aA
|
aa
|
aa r
|
aA
|
Aa
|
aA
|
aa
|
Pour alléger la notation, x2
désigne une quantité x élevée au carré, soit x^2, à ne pas confondre avec
2x indiquant la quantité doublée. F est la fréquence pour les génotypes des
descendants de la première génération.
F(AA) = P = p2+pq+qp+q2 =
p2+2pq+q2=(p+q)2
F(Aa) = Q= pq+q2+pr+qr =
(p+q)(q+r)
F(aA) = Q= qp+q2+rp+rq
F(aa) = R= q2+rq+qr+r2 = (q+r)2=q2+2qr+r2
Hypothèse : si q2=pr (on verra
ce qu’il en est par la suite)
En remplaçant q2 par pr dans
les expressions de P et R on a :
P=p2+2pq+pr
R=pr+2rq+r2
et donc P/R = p(p+2q+r)/r(p+2q+r) = p/r. Pour
montrer le résultat, sachant que p+2q+r=P+2Q+R=1, il faut une relation
supplémentaire, (Q/R)2=(q/r)2=(p/r).
En effet, l’hypothèse est q2=pr qu’on divise par r2 d’une part, et on a constaté
que Q2=PR par lecture directe des
expressions de P, Q, R, qu’on divise par R2 pour obtenir (Q/R)2=(P/R)=p/r soit
(q/r)2, d’autre part.
En résumé sous l’hypothèse
q2=pr on a P/R=p/r et Q/R=q/r et sachant que la somme P+2Q+R=p+2q+r est égale à
1, la seule solution possible est P=p, Q=q, R=r.
La nature est ingénieuse,
car s’il n’y a aucune raison pour que q2=pr, les calculs deviennent néanmoins valables
à partir de la génération suivante, car on a constate que toujours Q2=PR, par construction. Le
mathématicien anglais Hardy le formulait ainsi.
«The interesting question is — in what
circumstances will this distribution be the same as that in the generation
before? It is easy to see that the condition for this is q^2 = pr. And since
q_1^2 = p_1r_1, whatever the values of p, q, and r may be, the distribution
will in any case continue unchanged after the second generation ».
Les proportions d’allèles
se stabilisent immédiatement, par un mécanisme
d’identité remarquable.
Hardy, spécialiste en
théorie des nombres, et mentor du génial mathématicien Indien Ramanujan, n’était
pas particulièrement impressionné par sa découverte, dont il juge les
mathématiques très simples. Mais pour nous qui avons des souvenirs scolaires, voilà
peut-être enfin une justification pour l’adjectif « remarquable ».
La conséquence de la « loi »,
qu’il vaudrait sans doute mieux qualifier de théorème, est que dans une
population fermée, nombreuse et non soumise à la sélection naturelle, il n’y aurait
pas comme on le croirait spontanément un phénotype unique vers lequel toute la
population convergerait au fil du temps. Les yeux bleus ne disparaissent pas, malgré
leur caractère récessif bien connu, réjouissons-nous, mais par ailleurs il
existe des maladies qui persistent par le même mécanisme de rencontre entre 2
allèles récessifs. La nature semble préférer une sorte de statu quo, qui s’oppose
au changement, mais sans stabilité que serait la vie ?
PS : Je découvre que
l’ «évolution allèlique » est enseignée à présent dès la classe de première,
mais j’ignore si la preuve très accessible du résultat est aussi présentée.